Le nom claque comme une caresse soyeuse : Tissavel. Fondée à Lyon en 1953, la maison s’est vite imposée comme « l’autre » fourrure française — celle qui imite le vison à s’y méprendre mais laisse les belettes gambader en paix. Sa première démarche ? Un faux-vison si réaliste que seuls les pelletiers, loupe en main, pouvaient en deviner l’artifice. Très vite, les ateliers de grandes maisons parisiennes emportent les rouleaux crème et ébène ; Costume hollywoodien, jetez un manteau Tissavel sur les épaules d’Audrey Hepburn. Le mythe est lancé.

Soixante-dix ans plus tard, la marque travaille toujours « le beau par la science ». Dans ses usines, des métiers circulaires modifiés tricotent des fibres d’acrylique et de modacrylique sur mesure ; un passage sur raschel, un polissage japonais, un bain de teinture coréen : la griffe mélange les savoir-faire de trois continents pour que la lumière danse sur le poil synthétique. Le résultat se vérifie au toucher : densité soyeuse, ressort nerveux, reflets de zibeline sans le moindre museau sacrifié.

Cette virtuosité technique s’accompagne d’un manifeste écologique. Toute la chaîne tourne à l’énergie verte, les eaux de rinçage sont bouclées en circuit fermé et le département R&D troque les solvants lourds pour des auxiliaires « nature-friendly ». Le credo est clair : « suivre la forme de la nature, jamais la forcer ». À l’heure où le luxe questionne son empreinte, Tissavel rappelle qu’innovation et compassion peuvent partager la même doublure.

Dans le showroom, les rouleaux se déclinent comme une boîte de macarons : renard « glacier », lynx à taches fumées, shearling végétal, bouclette mouton qui fait frissonner les doigts. Les stylistes griffonnent, demandent un poil plus court, un lustre plus mat. Quarante-huit heures plus tard, un échantillon surgit, ajusté à la nuance Pantone. Les métiers tournent au tempo lent ; on murmure que c’est « la vitesse du haut de gamme ».

De la haute couture parisienne aux podiums vegan de Copenhague, la fourrure sans remords a trouvé son drapeau tricolore. Tissavel ne copie plus l’animal : elle s’autorise désormais des teintes lilas, des rayures fauve-fluos, des motifs « pixel » qui intriguent l’œil. La fourrure sorte du classicisme, se fait terrain d’expériences. Tout cela, paradoxalement, sans jamais s’éloigner de sa promesse initiale : la douceur absolue, l’illusion parfaite.

Une belle histoire de fil, de chimie douce et d’éthique cousue main : dans chaque poil Tissavel, on entend encore le ronron des premières machines lyonnaises et le souffle des Dolomites qui alimentent aujourd’hui ses métiers circulaires.

https://tissavel-fur.com/

Michel Timsit