Le ciel lourd et mouvant de Huddersfield pèse parfois autant que la laine que l’on y tisse ; ce qui convient parfaitement aux étoffes produites par la maison familiale Moorhouse & Brook, fondée en 1903. Famille n’est pas un vain mot : quatre générations se sont succédé — aujourd’hui encore, Alistair Brook et son épouse Nicola s’impliquent activement dans l’aventure textile. Ici, on fabrique toujours des métrages de melton, de gabardine et de towncoating : ces tissus épais (de 500 à 800 g/m) qui habillaient autrefois les redingotes d’avocats, les cabans d’amiraux ou les longs manteaux militaires.

Mais il ne s’agit pas d’un récit tourné vers le passé : c’est bien celui du présent, celui d’une maison qui produit de magnifiques étoffes de laine, en conjuguant production locale et artisanat, avec une empreinte carbone minimale. Filature, tissage, foulonnage et finitions sont réalisés dans un rayon de 20 kilomètres. Ironiquement, cet ancrage local ne freine en rien les exportations : les rouleaux sont expédiés vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord à destination d’acheteurs éclairés qui apprécient le poids dense des double-cloths compacts, surnommés non sans humour « pare-balles ».

Le studio met en avant son célèbre tissu « Elysian », les flanelles épaisses « Swansdown », les draps « Corposo » à la main charnue, les gabardines traditionnelles « Gabbro », les worsteds croisés « SpringRam » tissés en pure laine britannique, ainsi que les « Towncoats » dont la main dense évoque les hivers édouardiens d’antan. Sur les portants, le gris mêlé dialogue avec le vert militaire et le camel doré : une palette qui reflète les ciels monochromes, les vallées verdoyantes et les plages sableuses du Yorkshire.

Moorhouse & Brook propose un « total look britannique » qui séduit une clientèle exigeante : des concept-stores japonais qui adorent la densité de ses gabardines ; des maisons de couture françaises qui commandent des double-face pour leurs manteaux cocon ; des stylistes italiens qui trouvent dans les towncoatings anglais un supplément d’âme pour leurs balmacaan ; et des marques scandinaves de workwear qui réinterprètent le melton minuit en surchemise oversize. Pour ces clients, le poids du tissu est une force durable et une qualité pérenne : leurs manteaux résistent au temps, et deviennent souvent des héritages transmis aux générations suivantes.

C’est la preuve, sous le ciel mouvant et pesant de Huddersfield, que le tissage reste aujourd’hui plus que jamais porteur de sens.

https://moorhouseandbrook.co.uk/

Michel Timsit