Il est des entreprises dont la création tient de la fulgurance, une intuition qui traverse les décennies comme une ligne de couture invisible. Spring ’85, fondée en 1985 à Maserà di Padova, en Vénétie, incarne cette trajectoire singulière. Dans ce territoire italien où les savoir-faire se transmettent autant qu’ils s’inventent, cette manufacture d’accessoires métalliques a imposé son style : celui du détail qui change tout.


Lorsque Carlo Favarato, le fondateur, décide de créer une entreprise spécialisée dans la fabrication de boutons et de rivets, il parie sur le métal et l’orfèvrerie appliquée au vêtement. Il comprend, bien avant d’autres, que le marché textile, en constante mutation, exigera toujours plus de personnalisation et de finesse. Trente-neuf ans plus tard, Spring ’85 conçoit pour les grandes maisons de mode et les ateliers de confection européens des pièces uniques, sur-mesure, au croisement de la fonctionnalité industrielle et de l’esthétique bijoutière.
Dans ses ateliers vénétiens, le métal devient langage. Les machines de précision croisent les gestes manuels. Le laiton, le zamak, l’acier inoxydable ou encore les alliages métalliques recyclés y sont transformés, poinçonnés, gravés, traités thermiquement et patinés avec une maîtrise rare. Chaque bouton, chaque rivet est une unité de style, un énoncé en soi. Il peut être brossé, vieilli, galvanisé, laqué ou coloré selon les désirs des clients. À chaque saison, de nouveaux effets, textures et finitions viennent élargir le nuancier de la maison.
Mais Spring ’85 n’est pas qu’une maison de fabrication. C’est aussi un laboratoire d’idées. L’entreprise investit dans la recherche de matières alternatives et de techniques respectueuses de l’environnement. Le développement de boutons biodégradables ou issus de matières biosourcées, l’élimination progressive des traitements chimiques lourds, l’électro-galvanisation propre ou encore la création de pièces issues de résidus industriels recyclés sont autant de chantiers en cours. Le style, ici, ne s’entend jamais sans éthique.
L’entreprise prouve aussi sa modernité par son écoute du client. En proposant une personnalisation extrême, des séries limitées jusqu’au prototype unique, Spring ’85 se positionne comme un partenaire créatif à part entière. Un styliste peut venir avec une idée griffonnée sur une serviette de papier ; quelques semaines plus tard, une série d’échantillons sortira des presses et des ateliers. Ce niveau de dialogue et de réactivité est rare dans le domaine.


Chaque année, à Milano Unica, la marque expose ses collections techniques et poétiques à la fois : boutons comme fossiles futuristes, rivets à effet de rouille contrôlée, finitions mates ou miroir, épingles décoratives inspirées de l’univers horloger. Ces présentations attirent aussi bien les designers que les acheteurs matériaux des grandes marques du denim, du tailoring et du luxe sportswear.
L’ancrage vénitien de l’entreprise ne se limite pas à une simple géographie. Il traduit une manière de faire où l’artisanat dialoguait déjà, il y a plusieurs siècles, avec les marchands d’Europe et d’Orient. Cette porosité culturelle irrigue encore aujourd’hui les choix esthétiques de Spring ’85 : finitions orientalisantes, typographies gravées, systèmes d’attache inspirés des fibules antiques, le tout pensé pour dialoguer avec les tendances globales.
En cultivant ce mélange de rigueur italienne, de liberté formelle et de conscience environnementale, Spring ’85 incarne une certaine idée du luxe contemporain : invisible, mais impérieux. Car s’il est un détail qui ne trompe pas, c’est bien celui que le doigt touche sans que l’œil le remarque. Le bouton, le rivet, le fermoir, ces objets secondaires, deviennent ici premiers.
Michael Timsit