©Alfred Brown

Dans les collines verdoyantes du Yorkshire, où les nuages flirtent avec les toits rouges et où la pluie cisèle les vitres des ateliers, Alfred Brown perpétue, depuis plus d’un siècle, une vision textile où la matière pense et se souvient. À Bramley, Leeds, l’usine familiale tisse la laine comme une science intime, une fidélité au tissu. Depuis 1915, la maison tisse en flux continu, sans jamais dévier de sa ligne. Les collections « Golden House », « Tropical Worsted » ou « Classic Suiting » ne sont pas des gammes mais des expressions textiles qui reflètent le rythme lent de l’Angleterre manufacturière. Tout est tissé en interne, chaque tissu a une main inimitable, un tombé qui ne se trahit jamais. Ici, la laine mérinos australienne est transformée sans mulesing, dans une logique de traçabilité stricte et avec une certification RWS. L’électricité vient du vent, l’eau est recyclée, les déchets sont revalorisés : la matière suit son propre cycle, respecté à chaque étape.

Ce n’est pas une marque, mais une maison. Alfred Brown ne se raconte pas sur les réseaux sociaux, mais dans les garde-robes. On retrouve ses draps dans les uniformes de l’équipe d’Angleterre pour la Coupe du Monde 2022, chez Marks & Spencer, Paul Smith, Hackett, ou dans des pièces sur-mesure cousues à Tokyo ou New York. Elle vend au rouleau, répond en sur-mesure, tisse plus d’un demi-million de mètres par an, sans jamais sacrifier le silence du geste. La mode vient à elle, jamais l’inverse. Elle était présente cette année au salon PRECO, où sa laine sèche et vive, ses flanelles brumeuses et ses armures classiques ont séduit les studios de design parisiens en quête de tissus enracinés. La maison expose également à The London Textile Fair, à Milano Unica, à A Fabric Affair NYC, et participe activement à la visibilité de l’industrie lainière britannique sur les scènes professionnelles internationales. Elle ne propose pas de nouveautés saisonnières, mais un catalogue vivant, à la fois constant et réversible. Un tissu chez Alfred Brown ne suit pas la tendance, il suit le temps.

Dans chaque tissu, il y a une mémoire géographique. Les draps évoquent les quais de Hull, les tailleurs de Savile Row, les bancs en bois des églises et les souffles de vapeur sur les vitrines de Halifax. Le tissu ne se contente pas d’habiller, il construit. Il ne tapisse pas un corps, il compose un personnage. C’est une matière qui se souvient et qui accompagne. Alfred Brown est la voix feutrée du Yorkshire tissé, une main qui façonne sans parler. Le luxe, ici, ne brille pas. Il soutient, il structure, il dure.

©Alfred Brown
©Alfred Brown

https://www.alfredbrown.co.uk

Michael Timsit